Aujourd’hui, je vous propose de rencontrer Isabelle, une amie à moi qui s’est lancée il y a un an dans l’aventure entrepreneuriale et éco-responsable avec La Cuisine de Demain. J’ai échangé avec elle autour de son parcours, ses déclics, ses sources de satisfaction et les challenges auxquels elle a du faire face. Bonne lecture !
Hello Isabelle. Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter, me parler de ton parcours et m’expliquer d’où est venue ta prise de conscience environnementale ?
J’ai un parcours professionnel très « classique », conforme aux schémas qu’on connait : bac, grande école, stage puis embauche dans une multinationale d’agroalimentaire. Je me suis vraiment amusée pendant plus de 10 ans dans cette entreprise, où j’ai occupé des fonctions marketing et ventes, car je pouvais progresser et apprendre de nouvelles compétences. Et puis, l’entreprise (ou moi) a évolué : je ne me retrouvais plus dans les valeurs prônées, comme si le vernis s’était craqué : toutes les actions mises en avant en faveur de l’environnement m’apparaissaient comme du greenwashing alors qu’avant j’y croyais.
Je pense que ma prise de conscience a commencé 1 an avant mon départ de l’entreprise, c’était après la naissance de Robin, mon premier garçon. Pendant mon congé maternité je me suis dit que c’était le bon moment pour me familiariser avec le 0 déchet et prendre le temps de m’organiser pour être plus écolo.
Petit à petit j’ai plongé dans les informations du réchauffement climatique, j’ai ouvert les yeux sur les aberrations de notre société et je n’ai plus réussi à vivre comme si mon comportement n’avait pas d’impact sur l’environnement, c’était trop tard : je savais.
Et puis devenir Maman m’a donné cette énergie de me dire que les choses n’étaient pas ancrées, que chacun pouvait faire sa part et que je voulais faire la mienne. J’ai encore aujourd’hui cette volonté qui me pousse à agir pour pouvoir dire à mes enfants un jour que j’ai tout fait pour qu’ils puissent être heureux sur notre Terre.
Du coup, j’ai commencé à vraiment me demander à quoi bon me lever tous les matins pour vendre toujours plus ? Etais-je vraiment sur Terre pour consacrer ma vie à des actionnaires et chercher à gagner toujours plus d’argent ? C’était en 2018. En même temps, il y a eu un plan social dans mon entreprise et j’ai décidé de partir : je savais que je ne voulais plus faire ce type de travail mais je ne savais pas encore ce que je voulais faire. 9 mois plus tard et après un bilan de compétence, j’ai intégré une formation d’un an pour devenir Eco-conseillère. Depuis je travaille pour la Cuisine de Demain.
Alors justement, est-ce que tu peux me parler plus précisément de La Cuisine de Demain ?
La Cuisine de Demain est née de l’envie de plusieurs personnes de mettre leurs compétences au service de la cause écologique. Nous sommes partis de la volonté d’agir sur les émissions de gaz à effet de serre, qui sont la première cause du réchauffement climatique. Et le constat est que 25% du bilan carbone des Français est lié à l’alimentation. Nous avons donc décidé d’agir sur ce levier car il est entre nos mains : si demain tu veux diminuer ta consommation de viande rouge par exemple tu peux le faire. Si tu veux arrêter d’acheter des légumes hors saison, c’est possible. Nous sommes 7 associés à l’origine, avec des parcours variés en web, marketing, restauration et comptabilité.
Donc en mettant bout à bout nos idées, nous sommes arrivés sur ce concept :
bien manger aujourd’hui pour mieux vivre demain !
Nous avons voulu faire la cuisine la plus respectueuse possible de l’environnement, avec le moins de compromis. C’est à dire que nous avons une cuisine bio ET locale et automatiquement de saison. Nos ingrédients viennent de moins de 100 km de Strasbourg par exemple et nous avons une carte de 10 plats et 6 desserts qui change tous les mois.
Pas de riz, pas d’agrumes, pas d’avocat, mais des recettes délicieuses qui permettent de démontrer qu’avec la richesse de notre patrimoine alimentaire nous pouvons très bien manger de façon gourmande, variée et dans le respect de la Terre.
Nous proposons des plats végétariens majoritairement mais pas uniquement. L’objectif est aussi de permettre aux personnes non végétariennes de mieux consommer et de se laisser convaincre plus facilement de temps en temps par des plats végétariens. Nous avons aussi des plats sans gluten ou vegans. Nos livraisons se font en vélo via Kooglof, une plateforme de livraison éthique, et nos plats sont cuisinés dans des bocaux en verre consignés.
Enfin, nous souhaitons rendre cette cuisine le plus abordable possible pour permettre de remplacer un maximum de repas » désastreux » par des repas « vertueux ». Du coup, pour 12€, vous avez un plat et entrée/dessert et nos portions sont réputées être généreuses 🙂
Quels ont été les principales difficultés que tu as rencontrées dans la concrétisation de ce projet ?
Réponse facile car on s’est lancés en février 2020, juste avant la première vague de Covid-19, autant te dire que gérer l’imprévu sanitaire est encore notre quotidien. Donc, au-delà de l’organisation, ce fut compliqué d’obtenir un prêt, de trouver un local, on livrait beaucoup les gens en télétravail mais on savait aussi que ce ne serait pas une situation normale donc compliqué de se projeter et de tester notre modèle pour une vision long terme.
On est toujours dans une situation compliquée car on n’a pas eu beaucoup de mois « normaux » pour bien tester et faire évoluer notre concept mais on y arrive ! Le nombre de bocaux vendus progresse de mois en mois, les retours des clients sont super encourageant. Aujourd’hui nous avons 7 salariés avec nous et nous avons ouvert la restauration sur place avec 30 places assises. Monter une entreprise dans le domaine de la restauration depuis 2 ans c’est vraiment un pari fou 🙂 Mais on ne pouvait pas imaginer à l’époque ce qui nous attendait.
Après, hors contexte Covid, la difficulté ça a été de statuer sur le concept : bio ou local ? Finalement on a décidé de faire les 2. Ensuite on s’est demandé quelle définition on allait donner à « local » : est-ce français en incluant les DOMTOM ? ou un périmètre donné ? On a découvert toute la difficulté de faire une cuisine écologiquement propre. Par exemple, concernant le sucre : on a une entreprise locale de betterave à sucre mais qui n’est pas bio. Par contre, elle propose du sucre issu de canne à sucre bio : que fait-on ?
C’est un vrai challenge au quotidien de garder en tête notre objectif et de ne pas céder à la tentation des solutions plus simples et moins chères.
Y a-t-il des aspects qui ont été finalement plus simples que tu imaginais ?
J’appréhendais un peu notre équipe au quotidien car nous étions tous amis mais nous n’avions jamais travaillé ensemble. Du coup, avec la pression, les questions et les problèmes du quotidien je me demandais si nous tiendrions le coup. Finalement, ce fut plus facile que prévu. En fait, nous sommes tous investis avec notre cœur dans ce projet, on a tous une famille, on a tous en tête la crise climatique qui arrive et on a tous envie de faire évoluer les mentalités. Du coup, cela nous permet de ramer en permanence dans le même sens.
Bien sûr, on n’est pas d’accord sur tout mais le fait de recadrer toujours nos prises de décision pour l’entreprise à travers le prisme de l’alimentation la plus vertueuse possible nous permet d’être toujours amis 2 ans après !
As-tu des projets pour la suite ?
Idéalement, j’aimerais qu’on puisse ouvrir d’autres Cuisine de Demain dans d’autres villes de France. Nous avons mis presque 1 an à chercher le concept idéal, répertorier les ingrédients disponibles, identifier les producteurs bio, obtenir la certification restaurant 95% bio et mettre au point des recettes. J’adorerais répliquer et partager notre travail dans une autre région avec d’autres aliments et voir les merveilleuses recettes que pourrait imaginer Mylène, notre cheffe, en cuisine avec son équipe.
Quels conseils pourrais-tu donner à quelqu’un qui aimerait se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?
C’est un choix très personnel, il faut le sentir, en avoir envie ! Personnellement je n’y serai pas allée seule. Sans mes amis pour faire cette aventure ensemble, je n’aurais pas eu le courage de le faire. A plusieurs, cela nous a permis de monter ce projet, de nous soutenir, d’échanger, de se nourrir les uns des autres, de souffler aussi tout en continuant à avoir du temps pour nos proches. Nous étions clairs dès le début : un projet pour la planète évidemment mais sans subir de répercussions sur nos vies privées et faire de trop grands sacrifices. Après, je dirais aussi que le plus dur est de démarrer : quand on met ses pieds dans l’eau, elle est un peu froide au début mais au bout de quelques temps, on y va, on nage gaiement et on ne pense plus à quel point on a eu froid au début 🙂
Finalement je ne sais pas encore comment cela va finir mais c’est clairement la plus belle aventure professionnelle que j’ai pu vivre de toute ma carrière, ça c’est sûr !

Amis strasbourgeois, si vous n’avez pas encore découvert La Cuisine de Demain, foncez !
Plus d’infos et tous les délicieux plats proposés, sur leur site.