Bonjour à tous !
Je ne vous apprendrai sans doute pas grand-chose en vous disant que l’alimentation responsable est une tendance de fond : je suis loin d’être la seule à m’y intéresser. Et forcément, si c’est une tendance sociétale, certaines entreprises y voient une opportunité de faire du business. Sur le principe, ce n’est pas forcément une mauvaise chose : de nouveaux acteurs plus responsables émergent, bousculent les géants historiques de l’agroalimentaire et parviennent à se faire une place dans nos placards. Mais ce qui est plus problématique, c’est quand cette dimension responsable devient un argument marketing, un moyen de faire vendre et parfois de tromper le consommateur. C’est ce que l’on appelle le greenwashing, une pratique heureusement de plus en plus largement dénoncée et condamnée.
Alors existe-t-il vraiment un marketing responsable ? Quand est-ce que le marketing devient greenwashing ? Comment faire des choix éclairés en tant que consommateur ? J’ai posé ces questions à Adeline OCHS, professeur de marketing à Audencia Business School et co-autrice du livre « Marketing Durable » (Pearson).
Les termes « marketing » et « durable » sont-ils compatibles ?
Adeline OCHS m’a confirmé que le marketing « traditionnel » était en effet caractérisé par une vision mercantile, une volonté de développer un marché à tout prix, quitte à générer des externalités négatives. « C’est ce type de marketing qui peut amener des entreprises à parfois répondre aux enjeux environnementaux par des pratiques de type greenwashing, parce qu’elles appréhendent finalement ces enjeux comme des tendances auxquelles il faut répondre. Leur réponse n’est pas sincère, elle est opportuniste. Et c’est un énorme problème car, au bout d’un moment, le consommateur ne sait plus distinguer le bon grain de l’ivraie et finit par tout rejeter en bloc ».
Pour autant, une vision plus optimiste consiste à se dire que le marketing peut avoir un rôle à jouer afin de promouvoir des modèles de consommation plus durables, d’orienter les choix des consommateurs vers des modèles plus vertueux ou de lever des barrières. « On peut prendre l’exemple du vrac, dont on sait qu’il est un mode d’achat moins néfaste en terme d’impact environnemental. Aujourd’hui, les consommateurs se plaignent d’un certain nombre de blocages qu’il appartient aux marketeurs d’essayer de lever ». Ce marketing au service de la transition et des enjeux écologiques peut être qualifié de marketing durable.
Evidemment, ce changement de paradigme n’est pas simple, et implique pour certaines entreprises une refonte profonde de leur business model, de la chaine d’approvisionnement à l’offre de produits. « Le marketing ne peut pas porter ce changement à lui seul, cette transition doit s’inscrire dans une stratégie d’entreprise globale, une mission, une raison d’être, portée par des leaders parfaitement convaincus. C’est à ce prix uniquement que les entreprises peuvent basculer dans une approche sincère et durable ».
Cela dit, peu d’entreprises engagent spontanément ce type de transition, car elle est bien souvent synonyme de lourds investissements. C’est en cela que deux autres parties prenantes ont un rôle clé à jouer : les pouvoir publics d’une part, en poussant des législation plus contraignantes par exemple, et le citoyen d’autre part.
Pour prospérer, les entreprises doivent répondre à la demande de leurs consommateurs.
En changeant leurs comportements, les citoyens peuvent forcer les entreprises à changer
Eh oui mes petits colibris, une fois encore, nous sommes les moteurs du changement, nous avons un rôle à jouer !
Alerte greenwashing !
En attendant d’en arriver là, le greenwashing reste une réalité dans la majorité des secteurs, et l’alimentaire n’en est pas exempt. Il nous appartient donc à nous, consommateurs, d’être vigilants. Certaines pratiques sont connues, vous pouvez d’ailleurs suivre des comptes LinkedIn comme Perle de greenwashing, Alerte Greenwashing, Bon Pote ou Pour un réveil écologique qui les dénoncent régulièrement. On peut citer par exemple (la liste est loin d’être exhaustive) :
- Des labels mis en avant sur le packaging qui sont en fait une pure création de l’entreprise.
- Des allégations comme « 100% naturel » ou « responsable » qui ne veulent en réalité rien dire.
- Des packagings imprimés papier kraft ou avec des plantes, du vert un peu partout.
- Des opérations commerciales qui proposent de planter un arbre en échange d’un produit acheté.
Alors pour vous prémunir de ces pratiques trompeuses, quelques conseils :
- Sur l’aspect nutritionnel, Yuka est votre allié. Cette application (indépendante !) vous aidera à décrypter les étiquettes : en scannant simplement leur code barre, vous obtiendrez un score ainsi que des explications le justifiant et des éventuelles alternatives plus saines.
- Sur les allégations, cherchez des preuves de ce qui est avancé : si c’est flou, c’est qu’il y a un loup !
- Sur les labels, fiez-vous à ceux que vous connaissez et qui sont les plus répandus : AB, Label Rouge, Bleu Blanc Cœur, AOP, IGP… Ou alors référez-vous au site de l’ADEME.
- Sur les campagnes de publicité, le site du Jury de Déontologie Publicitaire répertorie également les plaintes reçues ainsi que les avis rendus. Quelques exemples de campagnes condamnées pour « greenwashing » ci-dessous :



En conclusion, oui, le marketing peut être durable, mais il s’agit encore aujourd’hui de l’exception plutôt que de la règle. Il convient donc de rester prudent vis-à-vis des pratiques « vertes » des entreprises à partir du moment où l’objectif reste de vous faire acheter, consommer. Mais pour finir sur une note plus positive, gardons en tête qu’en tant que consommateurs, nos comportements ont du poids et peuvent contribuer à faire changer les offres et les pratiques des entreprises. Soyons acteurs : changeons !
Un grand merci à Adeline OCHS pour notre échange très intéressant sur ce sujet qui me passionne !
Merci pour cet éclairage Mme Tigner.
On peut aller plus loin ou plus prés , en se posant la question du » digital marketing » et de son impact sur l’environnement. Comment créer des sites web, des applis, des campagnes de marketing digitales responsables 🙂 à faibles émissions carbone ( les serveurs…etc)
J’ai hâte de vous lire sur ce sujet.
A bientôt,
Un de vos plus grand fan.
V
Effectivement, compte tenu des volumes de data générés, la question du numérique responsable devient un vrai sujet ! Je me le note pour un prochain article : tu es partant pour une interview?
Merci pour ton article Héloïse. J’aime la provocation de savoir si le marketing est responsable et je me demande quel est la part de marketing responsable dans les entreprises aujourd’hui, en France, mais aussi dans le monde. L’amplitude du changement est tellement importante pour réduire notre empreinte carbone et humaine sur la terre, que je me demande si le marketing n’est pas un concept dépassé. Ne faudrait pas mettre la nature, l’humanité et la biodiversité au centre des priorités plutôt que chercher à vendre des biens et services à tout prix sans se soucier véritablement des externalités négatives souvent sous estimés . Je cherche leS solutions, et merci d’ouvrir le débat.
Merci pour ton message Sebastien. Je me pose les même questions, et je crains que si l’on ne parvient pas collectivement à changer de paradigme, nous allons droit dans le mur… Alors la première étape, individuelle celle là, est pour moi de commencer à agir, à notre échelle, et à évangéliser autant que possible.